Le développement du Web 2.0 encourage la participation généralisée et les échanges interpersonnels entre les internautes. Cette nouvel écosystème des échanges sociaux n’est pas neutre car la transversalité des échanges remet en question la position acquise de certains sachants (médecins, professeurs, avocats…). Les positions héritées de la supériorité des savoirs s’amenuisent progressivement sous l’effet du multicanal.
Ainsi par exemple, le médecin est désormais soumis aux attentes fébriles de ses patients. Car avant de se rendre chez un praticien chaque patient pourra consulter le web afin de mieux cerner sa propre pathologie. Certains d’entre eux arrivent même chez leur médecin avec une idée préconçue de leur maladie. Ils viennent alors pour obtenir confirmation d’un autodiagnostic réalisé en amont à partir d’informations disponibles en ligne. Dans d’autres configurations, les malades rentrent chez eux après une consultation pour consulter le web a posteriori. Ils prennent connaissance de leur pathologie sur Wikipédia ou en échangeant avec d’autres malades sur les forums et les réseaux sociaux, évaluant l’impact du traitement et les contre-indications médicamenteuses… Bref, il relativisent le diagnostic du sachant du médecin en le soumettant à la réfutation des points de vue communs, c’est-à-dire de la doxa. De même, le professeur ne peut plus se contenter de délivrer les connaissances du haut de sa chaire. L’aspect descendant, de la délivrance de celui qui sait à ceux qui ne savent point ne fonctionne plus. Avec le web, la connaissance est désormais librement accessible et sans filtre. Les nouvelles générations accèdent librement à une base de données mondiale et multilingue. Le professeur n’est plus qu’une source de savoir parmi d’autres. Son enseignement est soumis à la concurrence d’autres sources expertes, ou considérées comme telles. Encyclopédie collaborative de référence, Wikipédia encourage le fact checking. Les faits se vérifient en temps réel, parfois pendant le cours. Le temps et l’espace de la classe sont alors traversés de mille points de vue, qui fourmillent, surgissent et s’accumulent. On va jusqu’à parler significativement de « classe inversée » pour caractériser les nouvelles formes de pédagogie.
Au final les sachants sont tous soumis à la rude épreuve du big data et de l’information ouverte. Leur légitimité et leur position d’autorité sont largement entamées. L’exotérisme s’impose dans ce mouvement à la fois profond et irréversible. C’est toute la pyramide de l’autorité, y compris managériale, que se retrouve pour ainsi dire écrasée. Aucune institution, pas même l’entreprise n’échappera donc aux défis de l’horizontalité.