L’économie de l’attention

Une formule célèbre caractérise le modèle économique des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) : « Si c’est gratuit, c’est vous le produit ». En effet, la plupart des services en ligne créent de la valeur en utilisant des mécanismes publicitaires. Chacun connait les cookies qui tracent les visites des internautes et permettent de formuler en suivant des propositions commerciales ciblées, en fonction des historiques de navigation. Les techniques de « retargeting » permettent d’adresser des offres commerciales en temps réels sous formes de bandeaux publicitaires ou d’annonces flash qui s’ouvrent automatiquement (pop up). Chaque trace numérique ainsi laissée par un internaute est donc une donnée monnayable, capitalisable et créatrice de valeur. Le marketing de l’offre s’épanouit idéalement sur le web, puisque c’est l’internaute lui-même qui exprime, précise et notifie ses attentes, ses besoins et ses sentiments.
Pour tirer son épingle de ce jeu informationnel foisonnant de propositions marchandes, les producteurs de contenus publicitaires sont désormais soumis à l’impérieuse nécessité de se faire remarquer. En effet, une multitude d’offres circule librement en ligne. Les flux sont surabondants et les internautes sont exagérément sollicités. Il est donc nécessaire de se démarquer des concurrents et de se différencier positivement. Nous sommes entrés dans ce que l’expert du numérique Yves Citton appelle justement « l’économie de l’attention ». Toutes les stratégies sont mises en œuvre pour capter l’attention des internautes. On peaufine les titres et les accroches des messages. On bombarde les cibles massivement pour provoquer une réaction. On truffe littéralement les pages de « pièges à clics » (clickbaits) pour entrainer le prospect en dehors des sentiers balisés de sa consultation. On utilise des tiers, souvent présentés comme « neutres » et désintéressés pour valoriser les produits et les services en racontant une histoire et mettre en scène des expériences de consommateurs (storytelling). On construit des légitimités en mettant en avant des avis positifs en ligne, formulés (on l’espère) par d’autres internautes. On enrôle au service des marques des autorités, des experts ou de simples passionnés qui doivent influencer par leur notoriété digitale les gouts, les inclinations et les choix des internautes. On provoque des rumeurs virales (buzz) en créant de la polémique, du ludique, du décalé ou du sensationnel. Au final, cette économie de l’attention n’a pas d’autre objectif que de s’accaparer la fugacité d’un regard. Elle entend capter la furtivité d’un moment éphémère, celle d’un contact pouvant conduire à l’apothéose du clic ultime… celui de la commande en ligne.

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