Du client mécontent aux communautés de ressentiment

L’intelligence économique s’intéresse à la maitrise et à la protection des information stratégiques utiles aux décideurs publics et privés. Outre la veille stratégique et la sécurité économique des organisations, l’intelligence économique porte son regard sur la communication d’influence. Classiquement, nous étions confrontés à la coexistence pacifique de deux grands types de communication. La communication interpersonnelle reposait principalement sur l’usage du courrier, du téléphone, du fax et du mail. Les autres médias comme la presse écrite, la radio et la télévision s’adressaient indistinctement à un public large et plutôt indifférencié. Le web a changé la donne initiale. Or, comme le souligne Dominique CARDON : « Le rapprochement entre ces deux formes de communication ne va pas de soi. Il produit même des effets inédits lorsque les frontières des deux univers deviennent poreuses ». Concernant la réputation des produits, des services et des marques ces effets sont considérables. La communication corporate, la publicité officielle et le marketing de l’offre sont progressivement minés par une usure de la promesse marchande. Ils n’encouragent plus que partiellement le passage à l’acte d’achat.
En effet, le nombre des ayant-droits à la parole a littéralement explosé. Chaque client dispose désormais d’un porte-voix et s’exprime librement sur les médias sociaux pour devenir individuellement prescripteur. A l’instar de la parole publique et de la parole médiatique, la parole des entreprises a perdu son audience. Elle s’est lentement démonétisée. Une telle évolution modifie les registres et répertoires d’actions de la communication d’influence. Premièrement, parce qu’elle fait voler en éclat toute forme de déférence à l’égard de la parole institutionnelle. Chaque parole peut être critiquée, commentée ou raillée librement. Deuxièmement, parce que des communautés égocentrées peuvent se constituer en un temps record. Elles se cristallisent avec le ciment immédiat de la proximité culturelle, sociale ou géographique. Au final, la multiplication des caisses de résonance change radicalement le rapport entre les entreprises et leurs clients. Tout message peut devenir un sujet de conversations, de discussions et de polémiques, alimenté par des personnes autrefois autrefois jugées incompétentes, inaptes ou ignorantes. On voit ainsi s’agréger indistinctement toutes les émotions des clients mécontents. On voit se fédérer avec fulgurance affinitaire des tribus autour des colères. La figure tutélaire du « client mécontent » a progressivement cédé la place à de tonitruantes communautés de ressentiments.

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