La « présidentialisation » des politiques publiques d’Intelligence économique

En juin 2009, nous apprenions le départ d’Alain Juillet de son poste de Haut Responsable à l’Intelligence Economique (HRIE). Ce départ laissait craindre aux spécialistes d’Intelligence économique un nouveau repli stratégique de l’Etat sur cette question. Les plus pessimistes redoutaient même un abandon pur et simple des mesures de politique publique en Intelligence économique. Dès lors, plusieurs hypothèses avaient été formulées pour envisager le réaménagement et la redistribution de ces compétences. Parmi les pistes envisagées, on évoquait notamment une possible relocalisation de la fonction auprès de Cyril Bouyeure au MINEFI, ou la création d’un poste de délégué interministériel à l’IE.  La solution de Bercy pouvait reposer sur un réseau déjà constitué, efficace et compétent ; mais elle présentait peut être le désavantage de « flécher » l’IE sur un ministère particulier en confortant la logique de « tuyau d’orgue » chère à notre administration (ceci au détriment de la place Beauvau). La formulation interministérielle pouvait donner le sentiment d’une moindre considération et d’un recul sur le sujet, dans la mesure où le poste de HRIE était précédemment  affecté auprès du Premier ministre.

Au bout du compte, la compétence sera finalement transférée directement à l’Elysée et recentrée sur le Coordonnateur National du Renseignement.  Nicolas Arpagian, dans le Blog IE des Echos, avait d’ailleurs pressenti un tel réajustement fonctionnel dès juin 2007.

La « présidentialisation » de l’Intelligence économique constitue en effet un signal clair adressé aux différents ministères, mais c’est aussi un message fort au niveau international. La concentration de la fonction au niveau présidentiel permet l’affichage d’une volonté sans ambiguïté et favorisera sans doute l’intégration des objectifs par la haute administration. Elle témoigne d’une véritable volonté politique d’inscrire l’IE dans une logique régalienne. Elle devrait aussi permettre d’atténuer la teinte quelque peu « martiale » de l’IE, dont le rattachement au Secrétariat Général à la Défense Nationale (SGDN) avait pu « troubler » certaines entreprises. Reste qu’une telle dynamique repose aussi sur la capacité humaine à animer les réseaux nationaux d’Intelligence économique. Ceux qui ont travaillé avec lui, savent qu’Alain Juillet était passé maître en la matière, en faisant preuve d’empathie, de compétences et d’une réelle aptitude à conjuguer les talents. Au-delà des affichages politiques et médiatiques, le succès futur des politiques publiques d’Intelligence économique reposera sur la capacité à intégrer et à capitaliser l’ensemble des acteurs publics et privés du secteur.

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