Certains spécialistes d’intelligence économique (IE) n’hésitent pas à parler de « guerre économique » pour caractériser les relations hyperconcurrentielles entre les entreprises. Pourtant, les dirigeants de PME/PMI se méfient de cette « guerre économique » ; synonyme de « guerre des prix » et de dégradation des marges commerciales. Et dans une logique de guerre, les ennemis s’affrontent toujours pour se détruire réciproquement.
Au contraire, l’idée qu’il y aurait de la place pour tous sur le marché encourage plutôt la conclusion de gentlemen agreement. L’entreprise préférera généralement éviter la confrontation directe en lui substituant l’entente et la répartition des territoires. « Tu investis sur ce projet, je me concentre sur cette cible marketing… » C’est d’ailleurs pourquoi les services de l’Etat (DGCCRF) veillent précisément au respect des règles de libre concurrence.
Il faut donc se garder à la fois de toute forme de darwinisme social (qui consiste ici à surestimer la seule loi du plus fort) et de toute naïveté (qui consiste à nier la réalité des rapports de force). Les relations économiques comportent une grande variété de comportements allant de la confrontation à la coopération. Ces rapports fluctuent largement dans le temps et en fonction des enjeux du marché. L’hyperconcurrence et la coopération ne sont que les deux faces d’un même Janus. La guerre économique n’est donc rien qu’une hypothèse parmi beaucoup d’autres.
Article paru dans Aquitaine Presse service (APS) Vendredi 23 octobre 2009
Merci pour votre vision « raisonnable » de la compétition économique (concurrence). Elle n’est pas si fréquente que cela dans les milieux de l’intelligence économique.
Votre référence à Janus est intéressante et peut-être assez lourde de sens. Les deux visages de ce gardien des portes du ciel dont le temple n’ouvre ses portes qu’en temps de guerre, traduisent sa capacité à scruter le passé comme l’avenir. Formulons le souhait que « l’hypothèse de la guerre économique » soit une vision du passé, tandis que l’avenir nous montrerait une cohabitation bien pensée de la concurrence (libre) et d’une coopération vigilante (concept que le bien vilain mot de « coopétition » semble désigner).
Il ne faut voir dans ce souhait, qui n’est peut-être qu’un rêve, aucune sorte de naïveté, mais bien plutôt la seule posture réaliste qui vaille, tant il est vrai que la guerre ne mène qu’à la destruction et à la mort (d’où la nécessité d’implorer la bienveillance des dieux). Les patrons de PME/PMI qui ont par nécessité les pieds bien sur terre (donc peu enclins à s’envoler dans les cieux) ne s’y trompent d’ailleurs pas et voient bien le danger qu’il y aurait à se tourner vers la vision guerrière de nos nombreux stratèges suicidaires.
Francis BEAU