Après la vague de suicides largement médiatisée chez France télécom, les chefs d’entreprise, les salariés et leurs représentants s’inquiètent de voir l’image sociale de leur entreprise se dégrader. Une étude récente (cf. doc PDF) conduite pour BPI par l’institut BVA auprès de 1 000 salariés, 203 représentants du personnel et 201 chefs d’entreprise montre que 90 % des salariés interrogés pensent que cette image sociale de l’entreprise est génératrice de business. Dans cette même étude, les ¾ des chefs d’entreprise interrogés considèrent que l’image sociale de leur entreprise peut influer sur la qualité des relations commerciales et sur l’attrait des offres commerciales de produits ou de services. Autrement dit, la Responsabilité sociale de l’entreprise contribuerait activement à assurer la prospérité et le développement de l’entreprise en maintenant une bonne image auprès des clients.
Dans le même sens, le « Baromètre de confiance Edelman 2010 » (cf. ce lien) réalisé auprès de 4 875 leader d’opinion dans 22 pays relève le poids important des impératifs de Ressources humaines dans l’évaluation de la réputation des entreprises, spécifiquement en France.
Une bonne image sociale et un climat social apaisé permettent d’impliquer les salariés dans leur travail, d’attirer de nouveaux talents, de renforcer la marque de l’entreprise, de valoriser ses relations commerciales et l’attractivité de ses produits. L’ensemble de ces éléments est de nature à créer une “spirale positive” et une dynamique favorable au développement de l’entreprise. Ils constituent des apports permettant d’enrichir « l’immatériel de rassurance » (cf. mon post sur le sujet). Loin d’être un élément purement désincarné, subjectif ou accessoire, l’image sociale s’institue comme potentiellement productrice d’avantages concurrentiels. A l’instar de ce qui se passe avec les codes de l’éco-responsabilité (voir mes contribution sur le Greenwashing, le post 1 et le post 2), on voit clairement se dessiner une nouvelle frontière dans laquelle les limites entre la gestion interne et la communication externe se réduisent. On voit aussi que des éléments comme le respect des salariés, le stress, la souffrance au travail, la non-discrimination, la qualité des relations managériales ou la gestion des compétences ne sont plus simplement des indicateurs internes, réservés à l’évaluation de la politique des ressources humaines de chaque entreprise. L’image sociale d’une organisation engendre des répercussions non seulement sur son environnement proche (clients, fournisseurs, partenaires…), mais aussi sur l’ensemble des parties prenantes (cf. mon article), y compris les investisseurs institutionnels. Ainsi, depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) de 2002, les entreprises cotées en bourse ont l’obligation de publier un rapport « Responsabilité Sociale et Environnementale » (RSE). Même si l’on déplore parfois le coté “langue de bois”, “politiquement correct” ou “trop aseptisé” de ces rapports RSE, ils témoignent tout de même de l’émergence d’un critère de « performance sociale » dans les entreprises. On enregistre concomitamment des initiatives émanant d’investisseurs socialement responsables (ISR) qui, depuis 2003, connaissent une croissance à deux chiffres (i.e. +37% en 2008 et +70% en 2009). Comme le souligne le rapport 2009 de Novethic (le document PDF est disponible), ils ne représentent qu’une part modeste d’environ 50 milliards d’euros dans les masses financières investies chaque année. Pour autant, ils témoignent d’une volonté de réconcilier le respect de l’environnement et des hommes avec les performances financières à long terme des entreprises.
On comprend pourquoi une démarche de veille concurrentielle ne saurait faire l’impasse sur l’image de l’entreprise. Elle se doit au contraire de polariser les regards sur le climat social des concurrents. Pour alimenter cette veille sur l’image sociale, on analysera les informations contenues dans des supports lancés à l’initiative de salariés mécontents, soit dans le cadre d’actions revendicatives de groupe (blogs de collectifs, blogs syndicaux), soit dans le cadre de contentieux individuels (litiges prud’homaux). En effet, les conflits sociaux sont désormais largement médiatisés via le Web en raison de sa facilité d’accès (rapidité, gratuité), de sa large diffusion et des latitudes de liberté d’expression. Avec Internet, chaque salarié dispose d’un porte-voix lui permettant de défendre une cause ou de dénoncer une injustice. Les répertoires d’action collective délaissent progressivement la distribution des tracts à l’entrée des usines, pour s’enrichir de ces nouveaux outils « d’agit prop du pauvre », offrant aux groupes de pression de nouveaux moyens d’influence sur le Web. Ces supports offrent une réelle opportunité, dans le cadre d’une veille concurrentielle, permettant de prendre connaissance d’informations à caractère interne lorsqu’elles sont mises en ligne. De même on pourra nourrir sa veille des avis d’insider, à travers la consultation de sites spécialisés (cf. le site Vault career intelligence) dans le recueil de témoignages sur les conditions de travail (politique salariale, gestion des emplois et des carrières, stress, sécurité…).
Le travail de veille concurrentielle sur l’image sociale des entreprises passe donc par l’observation de facteurs humains internes aux organisations. En effet, les salariés demeurent des vecteurs importants de représentation de leur propre entreprise. Selon cette orientation, des sites Internet proposent aux salariés de noter leur entreprise sous couvert d’anonymat. Sur ce créneau, le site « Note ton entreprise » s’ouvre aux salariés qui désirent déposer des commentaires pour critiquer ou couvrir de louanges la firme dans laquelle ils travaillent. Les notations débouchent sur le classement de plus de 4000 entreprises, selon différents axes : les plus notées, les plus consultées, les plus aimées, les plus détestées. Plusieurs critères d’évaluation sont aussi proposés aux internautes : hiérarchie, évolution, salaires, recrutement, culture, sécurité, social, collègues. Le site propose aux utilisateurs de faire un tri croisé à partir de chacun de ces critères. Ce type de site peut être perçu positivement comme une opportunité de concourir à l’évaluation des ressources humaines en produisant du feed back, mais une telle démarche comprend aussi quelques risques. Les administrateurs du site prennent des précautions pour inviter les visiteurs à une notation responsable, notamment en rappelant clairement que « en prenant la parole, vous vous engagez à respecter la loi en vigueur en France sur la liberté d’expression et à ne pas porter de propos diffamatoires sur l’entreprise concernée ». Cependant la gestion de l’anonymat offre une transparence pour des propos dont la source reste secrète. Elle peut avoir pour effet de décomplexer certains salariés aigris ou mécontents qui transforment le site en espace de défouloir pour régler des comptes personnels. Elle peut aussi permettre à un concurrent indélicat de créer de fausses mauvaises notes et de diffuser des commentaires négatifs pour dégrader une image corporate. Autant de raisons qui doivent convaincre les plus sceptiques et encourager chaque entreprise à inclure la veille permanente sur l’image sociale dans ses axes de surveillance concurrentielle.
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