Fact checking: le contre pouvoir des faits ?

La récente campagne des élections présidentielles a vu s’épanouir une pratique nouvelle, celle du fact checking. Cette démarche consiste à vérifier en direct la véracité des faits, des arguments et des chiffres avancés par les différents candidats dans leurs discours, interviews et prestations télévisées. Aux États-Unis, la pratique du fact checking est déjà ancienne. Le site politifact.com est devenu une référence mondiale. Ce site Web, lié au quotidien de Floride Saint-Petersburg Times  s’est même vu décerner un prix Pulitzer en 2009. En France, on trouve une illustration du fact checking sur des blogs comme Les Décodeurs sur le Monde.fr et des rubriques telles qu’ Intox/Désintox dans Libération. Grâce au Web 2.0, les journalistes font aussi de plus en plus appel aux contributions directes des lecteurs/électeurs, internautes/citoyens (« Netoyens? »)… le fact checking est aussi « collaboratif ».

Dans une société de plus en plus dominée par l’instantanéité, ce mouvement du fact checking est loin d’être anecdotique. Il traduit une incursion du temps réel dans le débat démocratique et une approche critique participative reposant sur le principe de transparence. Alors que la démocratie pluraliste s’est construite historiquement sur la médiation des questions sociales à travers les mécanismes de représentativité élective, l’émergence de corps intermédiaires et la codification des débats parlementaires, le fact checking renforce la capacité critique des citoyens. Certains considèrent le fact checking comme une forme de « tyrannie du temps court » et condamne l’irruption de l’opinion publique dans le débat démocratique. D’autres voient dans ce phénomène, l’expression d’une vraie maturité démocratique et une sorte de nouvelle Agora, soumettant les propos des hommes politique à la véracité des faits et à la précision des chiffres. Il y aurait là un moyen nouveau de se protéger des démagogues en récusant toute forme d’approximation et la constitution d’une sorte de « contrepouvoir des faits ». Au delà des controverses, une chose est certaine, il faut désormais tenir compte de cette nouvelle pratique car elle va sans doute s’enraciner durablement dans la vie publique.

D’ailleurs, ce mouvement de fond est loin de se circonscrire au seul domaine des campagnes électorales. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs économiques savent qu’ils sont aussi soumis au fact checking. Les consommateurs et les ONG soumettent de plus en plus les produits et les services à l’évaluation en ligne. Les promesses publicitaires et la sublimation marketing sont désormais placées sous le regard critique des internautes « consom’acteurs ». On mesure ainsi en direct les écarts entre les qualités supposées et les qualités réelles des produits sur les comparateurs et les sites d’avis en ligne. Les outils et méthodes de l’E-Réputation permettent de mesurer les décalages entre la mise en scène de soi, la flamboyance des discours et le regard des autres…Le vernis des promesses se craquèle. Le désenchantement du monde poursuit sa marche. Décidément, la force tragique du réel et l’irruption des faits n’ont pas fini de désespérer Billancourt…

 

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