A contre courant

71pKWbquaaL.__BG0,0,0,0_FMpng_AC_UL320_SR210,320_L’intelligence économique s’intéresse à la maîtrise et à la protection des informations stratégiques utiles aux décideurs publics et privés. Sur le plan de la méthode, cette discipline ne peut donc faire l’économie d’une réflexion critique sur la prise en compte des sources d’information. Elle reprend à son compte, le terme désuet forgé en son temps par Henri Broch de « zététique » pour qualifier l’art du doute scientifique… En effet, notre société reposant sur des postulats rationalistes est soumise aux défis de croyances exotiques, fantaisistes ou erronées qui se répandent de façon incontrôlée sur le web. Les vaccins sont dangereux. Le réchauffement climatique n’existe pas. Les attentats du 11 septembre sont le fait des services secrets. Ces fadaises sont désormais qualifiées de Fake news ou de bullshits. Dans un ouvrage récent intitulé « Les têtes bien faites », Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée, démontrent comment se produisent les « ratés de la raison ». Car il existe « des croyances fausses auxquelles on s’attache obstinément alors que l’on a accès à des informations qui devraient permettre de les réviser ». La croyance fausse n’est donc pas strictement liée à un pur défaut d’information. Par exemple , on peut s’attacher à des propositions obscures parce qu’elles sont simplement émises par des personnes célèbres, ce que Sperber nomme « l’effet gourou ». De la même façon, on peut s’attacher à des idées fausses sous prétexte qu’elles confirmeraient des hypothèses auxquelles nous sommes attachés. Enfin, et cela est surprenant, les échanges d’informations sont gouvernés par le principe de la charité interprétative. Cela signifie que lorsque l’on ne comprend pas exactement le propos d’un locuteur, on se persuade que ces propos sont pertinents et vrais. « L’effet-gourou se produit lorsque le principe de charité interprétative est appliqué même après que l’on a fait un effort supplémentaire de compréhension qui aboutit à un échec ». Au final, l’exercice de l’esprit critique n’est jamais simple, surtout lorsqu’il vise à remettre en cause un présupposé personnel. Le seul fait d’être particulièrement éclairé à partir d’un corpus d’informations fiables constitue une condition nécessaire mais nullement suffisante à la réfutation d’idées fausses. Le renoncement individuel exige non seulement que chacun se détache de ses propres croyances mais aussi d’endosser le coût social d’un désaccord avec les idées dominantes (doxa, air du temps, mode, fallacy…). C’est pourquoi en dépit de tous les efforts réalisés pour mesurer, étalonner et vérifier le bien-fondé de certaines idées, elles demeurent l’objet d’un attachement en apparence déraisonnable… Pour contrarier profondément et durablement le cours des idées fausses, il faudrait que chacun accepte de faire l’effort d’une nage à contre-courant.

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