Veillance et surveillance… Entretien avec Sébastien Laurent

Cette semaine, je pose quelques questions à mon collègue Sébastien Laurent Professeur des Universités à l’Université de Bordeaux IV et co-responsable du Master « Sécurité globale et analyste trilingue ». Sébastien Laurent enseigne également à Sciences-Po Paris (Paris School of International Affairs). Dans le cadre de ses recherches sur le politique, il s’est spécialisé sur les marges du politique et sur les services de renseignement.
Sébastien Laurent, que pensez vous de la récente Affaire Snowden?
« Plus que la mise en danger de nos libertés individuelles, les révélations d’Edward Snowden nous permettent de comprendre comment le monde fonctionne depuis la fin de la guerre froide. Dans le monde occidental, il n’y a aujourd’hui plus de guerre, mais il n’y a pas non plus de paix. « Amis » et « ennemis » ne sont pas les bonnes catégories pour appréhender notre temps. Or, il y a urgence à savoir où nous sommes et surtout où nous en sommes. Notre monde ne connaît plus que des partenaires : ceux-ci peuvent être, dans le même temps, de solides alliés dans une cause – la lutte contre le terrorisme – et des adversaires tout aussi vigoureux dans la lutte quotidienne pour l’influence ».
Comment caractérisez-vous la situation géopolitique?
« Je dirais qu’en Occident, les États ne connaissent ni paix, ni guerre, ils sont dans un entre-deux, celui de la « veillance » permanente qui repose sur l’accumulation d’informations et de données. À l’orée de la guerre froide, Raymond Aron écrivait : « paix impossible, guerre improbable », caractérisant ainsi la spécificité de l’ère nucléaire. L’adage aronien demeure toujours aussi juste, mais pour une autre raison : ce n’est plus le pouvoir égalisateur de l’atome, mais le renseignement qui est devenu un des ressorts toujours plus important du jeu des puissances. »
Les échanges entre les Etats reposent donc, selon vous, sur le développement des capacités de renseignement?
« Oui, face à l’arme non employée qu’est le nucléaire, le renseignement est un outil qui est effectivement mis en oeuvre. Les capacités techniques et analytiques du renseignement étatique sont ainsi devenues un facteur essentiel de la Realpolitik. Pour conduire cette politique qui est surtout raisonnable, nous avons besoin en France et en Europe d’élus et de responsables gouvernementaux qui sachent appréhender les règles de fonctionnement du monde globalisé. Sans angélisme ni nationalisme, mais avec réalisme pour s’y adapter. »

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